
Aimé Césaire
L’article qui suit s’intitule, Conscience
Raciale et Révolution Sociale.
Écrit par Aimé Césaire en Mai 1935. Il avait 22
ans.
C’est dans cet article qu’il a forgé la NÉGRITUDE,
« un bel arbre jusqu'à ce qu’il porte ses fruits
les plus authentiques ».
L’article qui suit s’intitule, Conscience
Raciale et Révolution Sociale.
Écrit par Aimé Césaire en Mai 1935. Il avait 22 ans.
C’est dans cet article qu’il a forgé la NÉGRITUDE, « un bel arbre jusqu'à ce qu’il porte ses fruits les plus authentiques ».
"Quelle révolution fut jamais faite par le peuple innocent
des curiosités? Qui souleva
jamais un
joujou contre son propriétaire? Pourtant c’est bien la le tour de force que
veulent entreprendre nos révolutionnaires nègres lorsqu’ils demandent au nègre
de se
révolter contre le capitalisme qui l’opprime. Le
moyen, en effet d’appeler autrement
qu’un joujou un peuple d’assimilés? Dostoïevski le disait déjà ou peu s’en faut:
Toute
race qui croit qu’elle n’a rien a dire au monde n’est qu’une « curiosité ethnique
« et tout
individu est un joujou quo croit qu’au rendez vous du recevoir
et du donner son peuple
arrive les mains vides. "
« Agissez », dit on au nègre. Mais comme agir c’est créer et comme créer c’est pétrir et
faire lever sa naturelle substance, le nègre de chez nous n’agira point, qui se distrait de
soi et vit a part soi.
Un mal étrange nous ronge, en effet, aux
Antilles: une peur de soi-même, une
capitulation de l’être devant le paraître,
une faiblesse qui pousse un peuple d’exploités a
tourner le dos a sa nature,
parce qu’une race d’exploiteurs lui en fait honte dans le
perfide dessein d’abolir « la conscience propre des exploités ».
Les exploiteurs blancs nous on donné, a
nous autres exploités noirs, une culture, mais
une culture blanche, une
civilisation, mais une civilisation blanche, nous paralysant ainsi
par mailles
invisibles pour le cas hypothétique ou nous nous libérerions du plus sensible
esclavage matériel qu’ils nous ont interposé. Et ils ourdissent leur trame,
patiemment,
inlassablement, par ruse diligente jusqu'à ce que nous mourions à
la connaissance de
nous-mêmes.
Des lors, s’il est vrai, que le philosophe révolutionnaire est celui qui élabore les
techniques de libération, s’il est vrai que l’œuvre de la dialectique révolutionnaire
est de
détruire « toutes les perceptions fausses prodiguées aux hommes
pour voiler leur
servitude », ne devons-nous pas dénoncer l’endormeuse
culture identificatrice et placer
sous les prisons qu’édifia pour nous le
capitalisme blanc, chacune de nos valeurs raciales
comme autant de bombes
libératrices? Ils ont doc oublié le
principal ceux qui disent au
nègre de se révolter sans lui faire prendre
d’abord conscience de soi, sans lui dire qu’il
est beau et bon et légitime d’être nègre.
Ils ont oublié de parler au nègre le seul
langage qu’il puisse légitimement entendre
puisque, diffèrent en cela de « l’employé du bureau de M.
Gradgrind », « l’esclave
nègre » a le sang riche encore d’affections humaines et que c’est d’une affection
humaine, comme le fait remarquer Chesterton, qu’il aimera la fidélité ou la liberté.
La vérité est que ceux qui prêchent la
révolte au nègre n’ont pas foi dans le nègre et que
dans leur fierté d’être
révolutionnaire, ils oublient qu’ils sont nègres, premièrement et
toujours: esclavage encore et de la plus stérile espèce.
Le héros de Paul Morand, « l’assimilé » Occide est révolutionnaire lui aussi: grace a lui,
Haïti a ses Soviets, Port au
Prince devient Octoberville; bel avantage s’il rest prisonnier
des blancs, singe stérilement imitateur !
Tant pis pour ceux qui se contentent d’être des Occide par mépris de ce qu’ils appellent
du « racisme ». Pour
nous, nous voulons exploiter nos propres valeurs, connaître nos
forces par
personnelle expérience, creuser notre propre domaine racial, sûrs que nous
sommes de rencontrer en profondeur, les sources jaillissantes de l’humain universel.
Ainsi donc avant de faire la Révolution et pour
faire la révolution – la vraie –, la lame de
fond destructrice et non
l’ébranlement des surfaces, une condition est essentielle:
rompre la mécanique
identification des races, déchirer les superficielles valeurs, saisir en
nous
le nègre immédiat, planter notre négritude comme un bel arbre jusqu'à ce qu’il
porte ses fruits les plus authentiques.
Alors seulement, nous aurons conscience de nous; alors seulement, nous saurons
jusqu’ou nous pouvons courir seuls; alors seulement nous saurons ou le souffle nous
manque, et parce que nous aurons
saisi notre particulière différence, et que nous
« jouirons loyalement
notre être », nous pourrons triompher de tous les esclavages, nés
de la « civilisation ».
Être révolutionnaire, c’est bien; mais pour nous autres nègres, c’est insuffisant; nous ne
devons pas être des révolutionnaires
accidentellement noirs, mais proprement des
nègres révolutionnaires, et il
convient de mettre l’accent sur le substantif come sur le
qualificatif.
C’est pour cela qua ceux qui veulent être révolutionnaires
uniquement pour pouvoir se
moquer du nègre au nez « suffisamment
aplati »; c’est pour cela qu’a ceux qui croient en
Marx uniquement pour passer la ligne, nous disons:
Pour la Révolution, travaillons a prendre possession de nous-même, en dominat de haut,
l’officielle culture blanche « gréement spirituel » de l’impérialisme conquérant.
Attelons-nous courageusement a la besogne
culturelle, sans craindre de tomber dans un
idéalisme bourgeois, l’idéaliste étant
celui qui considère l’idée comme fille d’Idée et
comme matrice d’idées, quand
nous y voyons, nous, une promesse qui ne peut ne pas
s’épanouir en un buissonnement d’actes.
l'Etudiant Noir
Mai-Juin 1935
Il est notable quand on examine la carrière de Césaire que c’est en opposition à l'appel aux colonies des communistes martiniquais de se soulever sous leur bannière que l’expression négritude a été formulée pour la première fois. «Conscience Raciale» est une plaidoirie contre les communistes. Quand Césaire a rompu avec le Partie Communistes en 1956, il a écrit sa fameuse Lettre a Maurice Thorez. Cette lettre est dans la même lignée exactement, une répétition de Conscience Raciale et Révolution Sociale de 1935.
Cela étant le cas, Césaire avait besoin d'une expression tous azimuts pour se démarquer de la réalité qu'il n'était pas un Français d'Europe. Et aussi pour exprimer le fait qu'il était un noir sous domination européenne. Cette expression a été la négritude. Même si français, Césaire était noir. Comment, par exemple, pouvait-il répéter que ses ancêtres étaient gaulois, comme il avait été obligé de le faire à l'école?
L’assimilation le gênait car l'assimilation supposait qu'il était inférieur et barrait la route aux nègres. Très jeune, il a compris que l'assimilation était un piège, une formule consacrée à la disparition de qui il était. Il est resté fidèle au credo de l’anti-assimilation toute sa vie et a exprimé le sentiment de qui il était en proposant l'autonomie pour la Martinique, à savoir, la négritude.
Christian Filostrat
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